Jacques ROUBAUD

Littérature, mathématiques et constructions textuelles sophistiquées. Autour de son livre "31 au cube"

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Entre la poésie, les mathématiques, des références orientales (ici japonaises), l'oulipo et les jeux d'écriture, Jacques Roubaud nous livre un texte qui est certainement l'un des plus riches de son œuvre, et de la littérature du XXe siècle, dans un autre style que le précédent.

« 31 au cube » qui ne s'écrit pas 31^3 (31 puissance trois) mais bien « au cube », dans sa définition mathématique et géométrique : ceci est un volume, donc un livre. Décomposé mathématiquement cela revient à écrire 31 x 31 x 31 donc trois instances dans lesquelles 31 joue le rôle de dispositif central. Effectivement il y a 31 poèmes occupant chacun une page - chaque poème est composé de 31 lignes et chaque ligne peut être décomptée en 31 positions métriques. Ainsi 31 est l'élément logarithmique de base. Le logarithme est une formulation mathématique disant qu'à un produit dans une colonne (multiplication) correspond une somme dans une autre. Pourquoi 31 ? 31 est un nombre premier, donc indivisible ; il peut cependant être décomposé en répétition -, dans le cas du livre, le compte donne 5-7-5-7-7. Pourquoi cette décomposition et pas une autre ? Ici se joue l'intertextualité entre la versification classique et un type de poème japonais, le TANKA fondé sur la métrique irrégulière et impaire 5-7-5-7-7. Ces répartitions sont imbriquées dans le texte lui-même puisque la distribution des 31 lignes de chacun des 31 poèmes se fait sous la forme de 5-7-5-7-7 lignes chacun - de même, chaque ligne est partagée en 5 blocs contenant successivement 5-7-5-7-7 positions métriques."

Il ne faut pas y voir ici de jeux littéraires divertissants, mais bien l'expression des possibilités littéraires avec l'univers de la poésie, des mathématiques et des cultures autres que la nôtre. Jacques Roubaud a également écrit d'autres livres (la Belle Hortense notamment) où là aussi le chiffre est indissociable de la lettre. Dans son livre "Le grand incendie de Londres", il écrit : "Je vivais dans un système de règles. Les règles de l’écriture poétique, les règles de la démonstration mathématique, les règles de la vie constituaient trois systèmes qui se ressemblaient pour moi, qui avaient des chemins parallèles. Chaque règle, chaque acte selon les règles, était pensé comme préparatoire".

Espérons qu'un jour, un écrivain, puisse produire un texte poétique séquençant la molécule de l'aspirine pour faire d'une pierre deux coups (sans jeu de mots avec le Go...) : vous passionner et simultanément éviter un mal de tête.

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Bibliographie sommaire :
  • Trente et un au cube chez Gallimard (collection Blanche)
  • La bibliothèque de Warburg (Gallimard)
  • Le grand Incendie de Londres
  • Poésie, etc.
  • La pluralité des mondes Lewis

  • Extrait de go (appartient à) (copyright Gallimard)

    3.3 * [GO 146] 3.3.1 l'oubliée la plus infime sur la rétine d'Andromède la moins caillou poussière pour les cantonniers de Procyon prise dans le plus petit oeil angulaire brille comme moindre brillant ongle dans la paume perle verroterie à l'instant sortie de l'eau ce soir les oiseaux les feuilles les épouvantails sont disjoints les minutes lumignons et de route à route on répond dans les langues de musaraigne de loriot ce soir ....

    5.1 [GO 143] 5.1.1 Le jour est suspendu à cette hauteur de pierres touffe l'herbe parait à la jointure des dalles c'est le coin de la vue qui pénètre par la cassure du rempart ( tour du guet rive et le paon robe plissée la chevelure du personnage courbé sur le timbre de l'eau arrondie l'harmonique du signal rectangulaire)